Femmes à l'Assemblée nationale française

L'histoire des femmes à l'Assemblée nationale en France se rapporte à l'émancipation des femmes dans la vie politique législative française et, depuis 1945, leur participation aux élections de l'Assemblée nationale, par le vote et l'arrivée de certaines à la députation.
Histoire
Révolution française
Sous l'Ancien Régime, les veuves propriétaires de fiefs ainsi que les mères-abbesses avaient la possibilité de voter pour l'élection de leur représentant de la noblesse ou du clergé aux États généraux, mais sans être éligibles. Elles ont ainsi été régulièrement convoquées, de 1302 jusqu'à 1789. Mais c'est la Révolution française qui leur interdit le droit de vote par décret du , même si cette interdiction n'est pas formellement inscrite dans le texte, ce dernier se bornant à définir le statut de « citoyen actif », excluant de fait les femmes. Robespierre et l'abbé Grégoire, pourtant favorables au suffrage universel, ou même Condorcet qui publia le un long plaidoyer en faveur du vote des femmes, ne peuvent pas empêcher la confirmation par la Constitution de 1791 de cette interdiction de vote.
La femme de lettres Olympe de Gouges propose à l'Assemblée nationale, le , une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne demandant le droit de vote et d'éligibilité dans ses articles 1, 6 et 10, mais qui ne sera cependant jamais adoptée. Pierre Guyomar présente le à la Convention nationale un texte sur l'égalité des femmes. Jacques-Marie Rouzet, député de la Haute-Garonne à la Convention nationale présente le un projet de Constitution française qui envisage que les « mères de famille jouissent des droits de citoyen ». Toutes ces initiatives n'apportent cependant aucun changement à la législation.
Deuxième et Troisième Républiques
Le est publié un décret qui proclame dans son article 5 que « le suffrage sera direct et universel ». Aucune mention n'est faite sur la distinction par sexe, si ce n'est la mention « Tous les Français âgés de vingt-et-un ans ». Jeanne Deroin se porte candidate aux élections législatives françaises du 13 mai 1849, mais sa campagne est tournée en dérision par la presse et elle doit s'exiler en Angleterre à la fin de la Deuxième République.
Au début du XXe siècle, plusieurs propositions de loi visent à accorder le droit de vote aux femmes. Le député de Vendée Jean-Fernand Gautret présente un projet le à la Chambre des députés afin que toutes les femmes, « majeures, célibataires, veuves ou divorcées » obtiennent droit de vote aux élections municipales. Jusqu'à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, une soixantaine de propositions sont déposés à la Chambre, mais la question de l'éligibilité ne représente que 40 % des projets de loi. Paul Dussaussoy, député du Pas-de-Calais, présente, en juillet 1906, un projet de loi accordant le droit de vote aux femmes dans le cadre de ce qu'on appelle alors le petit suffrage, limité aux élections municipales et cantonales. Mais il faut attendre trois ans pour que le rapporteur, Ferdinand Buisson, député de la Seine, rédige un rapport de 420 pages, rendant un avis favorable. Cependant, avec la Première Guerre mondiale, le projet est abandonné. De 1919 à 1936, plusieurs lois sont adoptées par la Chambre des députés mais, par cinq fois, le Sénat s'y oppose. En 1927 et 1932, à une écrasante majorité, la Chambre adopte deux résolutions invitant le gouvernement à user de son influence auprès du Sénat pour que ces projets soient examinés. En vain. Le , les députés votent par 495 voix contre 0 en faveur du droit de vote des femmes, un texte que le Sénat n'inscrira jamais à son ordre du jour.
Gouvernement provisoire de la République
Après la déclaration du général de Gaulle du par laquelle il affirme que « tous les hommes et toutes les femmes éliront l'Assemblée nationale », Marthe Simard et Lucie Aubrac sont nommées membres de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger. Cette même Assemblée, réunie à Alger, adopte par 51 voix contre 16, le l'amendement Fernand Grenier instaurant le vote des femmes, à travers l'ordonnance du 21 avril 1944.
En France, le droit de vote a été accordé aux femmes par le Comité français de libération nationale, par ordonnance du , qui, dans son article 17, énonce que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Les premières élections qui permettent aux femmes de voter et d'être candidates se déroulent les 29 avril et 13 mai 1945, les premières municipales d'après-guerre.
Si l'Assemblée consultative provisoire siégeant à Alger du au ne comprend qu'une seule femme, Marthe Simard (Lucie Aubrac, nommée mais n'ayant pu se déplacer en Algérie, sera remplacée par son mari Raymond Aubrac), dans celle de Paris, du au , siègent douze femmes puis seize parmi les délégués : Lucie Aubrac, Madeleine Braun, Gilberte Brossolette, Marie Couette, Claire Davinroy, Andrée Defferre-Aboulker, Alice Delaunay, Martha Desrumaux, Annie Hervé, Marie-Hélène Lefaucheux, Mathilde Gabriel-Péri, Pauline Ramart, Marthe Simard, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Marianne Verger et Andrée Viénot.
Quelques mois plus tard, les élections législatives du , qui installent une assemblée constituante, sont ouvertes aux femmes et aux militaires, et permettent à 33 femmes d'entrer pour la première fois de l'Histoire à l'Assemblée nationale : 17 sont communistes, 6 socialistes, 9 appartiennent au MRP du général de Gaulle et une provient de l'éphémère Parti républicain de la liberté. Parmi elles se trouvent des résistantes (Denise Ginollin), des avocates (Madeleine Léo-Lagrange), des bourgeoises et des femmes modestes. Les premières femmes députées sont surnommées les « députettes » par leurs collègues masculins.
Le , des plaques en l'honneur des résistantes et premières députées Marie-Madeleine Dienesch, Rachel Lempereur et Marie-Claude Vaillant-Couturier sont dévoilées dans l'hémicycle du palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale.
Cinquième République
Le , la députée Yaël Braun-Pivet, candidate à la présidence de l'Assemblée nationale pour l'alliance présidentielle Ensemble, devient la première femme élue présidente de l'Assemblée nationale.
Synthèse des femmes élues à l'Assemblée nationale depuis 1945

- Source : Assemblée nationale
Orientation politique
La féminisation du corps législatif s'est opérée jusqu'en 2012 surtout par la gauche : on compte ainsi dans la première Assemblée nationale constituante 17 députées communistes et 6 socialistes sur 33 députées au total, représentant ainsi 69,9 % des députées élues. Cette tendance se confirme par la suite, la première Assemblée de la IVe République comptant 31 députées communistes et 3 socialistes, sur 42 députées, soit 80 % des députées élues. Cette tendance disparaît au début de la Ve République, où l'on observe une baisse significative de députées élues (seulement 8 en 1958 et 1962), amenant à une quasi-égalité entre la droite gaulliste et la gauche. C'est pourtant à partir de 1981 que la tendance redevient bénéficiaire pour les élues de gauche, mais au profit des socialistes (27 députées) plutôt que des communistes (5 députées), le PCF entamant parallèlement un déclin dans sa représentation au sein de la vie politique française.
En 2012, les 155 femmes députées (26,9 % des sièges) représentent 37 % des députés socialistes (103 sur 280), pour 14 % des membres du groupe UMP (27 sur 193), le FN (1 sur 2) et EELV (9 sur 18) sont à parité. En Seine-Maritime, sept sièges sur dix sont féminisés, et 4 sur 6 dans le Calvados, 2 sur 2 en Tarn-et-Garonne, alors que les hommes occupent les 10 sièges du Val-d'Oise, les sept de Maine-et-Loire, les six de la Loire, les cinq de l'Ain et de l'Eure (cinq sièges), et 19 des 21 du Nord, et les 13 des 15 de l'Alsace. 46 des 120 circonscriptions ayant basculé d'un camp vers l'autre (117 de la droite vers la gauche, 1 dans l'autre sens, et 2 de la droite vers le FN) ont élu une femme.
Synthèse des femmes candidates à l'Assemblée nationale depuis 1945
* Vote à la proportionnelle
- Source : Assemblée nationale
À la suite des dernières élections cantonales en 2011, on compte 544 femmes conseillères générales, ce qui constitue 13,9 % des conseils généraux. La Moselle, la Haute-Corse, l’Indre et la Haute-Savoie n’en comptent aucune. La parité est introduite au moment du redécoupage cantonal de 2014 en France qui impose l’élection de binômes paritaires dans les cantons. Cinq femmes sont présidentes de régions : Marie-Guite Dufay (Bourgogne-Franche-Comté), Valérie Pécresse (Île-de-France) et Carole Delga (Occitanie), Christelle Morançais (Pays de la Loire) et Huguette Bello (La Réunion).
Dans les 2 464 communautés intercommunales, on compte à peine 136 présidences féminines (5,5 %), dont seulement 7 parmi les 176 communautés urbaines ou d'agglomération. Néanmoins, la parité a progressé au niveau local et régional : les femmes représentent 47 % des conseillers régionaux et 47,5 % des conseillers municipaux.
Comparaison internationale
Après les élections législatives de 2017, la France se situe au 14e rang mondial (elle était précédemment au 69e), juste derrière la Norvège, et au 4e rang européen.
Après les législatives 2017, l'Assemblée nationale passe du 63e rang mondial (25,8 %) au 3e rang (42,4 %), derrière l'Islande qui est à 47,6 % et la Suède qui est à 43,6 %. Cependant le fort renouvellement de l'Assemblée nationale favorise la défaite d'anciennes ministres comme Najat Vallaud-Belkacem, Seybah Dagoma ou Nathalie Kosciusko-Morizet.
Liste des femmes des Assemblées constituantes de 1945 et 1946
Première Assemblée nationale constituante
33 femmes sont élues députées, lors de l'élection de la Première Assemblée nationale constituante, le 21 octobre 1945.
Seconde Assemblée nationale constituante
30 femmes sont élues députées, lors de l'élection de la Seconde Assemblée nationale constituante, le 2 juin 1946.
Liste des femmes députées sous la IVe République
43 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la première législature de la Quatrième République. 35 ont été élues députées lors de l'élection du 10 novembre 1946 et 8 sont entrées au palais Bourbon en tant que suppléantes.
Croix de guerre 1939-1945, la députée MRP Germaine Peyroles est élue vice-présidente de l'Assemblée. Elle témoigne en 1951 du contexte singulier d'une chambre avec un très fort renouvellement où la participation aux combats communs de la Résistance estompe les différences liées au sexe : « Nous sortions tous des mêmes combats de la Résistance. Nous avions de l'estime les uns pour les autres, nous étions réellement coéquipiers. Pour la plupart, ils naissaient en même temps que nous à la vie parlementaire ». Elle relève cependant que « les hommes ont toujours une petite difficulté à concevoir qu'une femme soit raisonnablement «tête de liste». Cela ne leur vient pas à l'idée! L'homme pense que cette place de choix lui est naturellement due, les femmes figurant à côté de lui par surcroît. »
24 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la seconde législature de la Quatrième République, dont 23 élues le 17 juin 1951.
18 femmes ont été élues en 1956 et ont siégé à l'Assemblée nationale durant la troisième législature de la Quatrième République.
Liste des femmes députées sous la Ve République
9 femmes ont été élues lors des élections des 23 et 30 novembre 1958 dont trois dans les départements français d'Algérie, leur mandat s'étant achevé le 3 juillet 1962.
9 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la IIe législature, dont une en tant que suppléante d'un député nommé au gouvernement et une dont l'élection a été invalidée trois mois plus tard.
11 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la IIIe législature (8 mai 1967-30 mai 1968), dont une en tant que suppléante d'un député nommé au gouvernement.
10 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la IVe législature (11 juillet-1er avril 1973), dont deux en tant que suppléantes de députés nommés au gouvernement ou décédé. Une députée a été nommée au gouvernement.
12 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la Ve législature, dont quatre en tant que suppléantes de députés nommés au gouvernement ou au Conseil constitutionnel. Deux députées ont été nommées au gouvernement.
21 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la VIe législature, dont trois en tant que suppléantes de députés nommé au gouvernement, invalidé ou décédé.
36 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la VIIe législature, dont 9 en tant que suppléantes de députés nommés au gouvernement, en mission prolongée ou décédé. Quatre députées ont été nommées au gouvernement, et deux ont vu leur mandat arrêté, une à cause de l'invalidation de son élection et l'autre à cause d'une mission prolongée de six mois.
Durant la VIIIe législature, qui s'est déroulée pour la seule fois de la Ve République selon un mode de scrutin proportionnel de liste dans le cadre départemental, 34 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale, 32 ont été élues comme titulaires et 2 sont entrées au palais Bourbon en tant que suivantes de liste ; trois députées ont démissionné lors de leur entrée au gouvernement et ont laissé leur siège aux suivants de listes. Une députée a démissionné dans l'année de l'élection.
38 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la IXe législature (12 juin 1988-1er avril 1993), dont cinq en tant que suppléantes de députés nommés au gouvernement et une élue lors d'une élection partielle. Six députées ont été nommées au gouvernement ; deux des suppléantes ont démissionné, provoquant des élections partielles lors desquelles ont été réélus les titulaires.
42 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la Xe législature (2 avril 1993-21 avril 1997), dont six en tant que suppléantes de députés nommés au gouvernement et deux élues lors d'une élection partielle. Neuf députées ont été nommées au gouvernement.
73 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale durant la XIe législature (12 juin 1997-18 juin 2002), dont sept en tant que suppléantes de députés nommés au gouvernement ou décédés et trois élues lors d'élections partielles. Deux de ces suppléantes n'ont siégé que quelques jours, entre l'issue du délai d'un mois après la nomination du gouvernement Raffarin et la fin de la législature. 14 députées ont été nommées au gouvernement (dont trois dans le gouvernement Raffarin, en toute fin de législature).
Durant la XIIe législature, 77 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale, 65 ont été élues comme titulaires (dont une lors d'une élection partielle) et 12 sont entrées au palais Bourbon en tant que suppléantes ; une députée est entrée au gouvernement et a laissé son siège à son suppléant.
Durant la XIIIe législature, 119 femmes ont siégé à l'Assemblée nationale, parmi lesquelles 103 ont été élues ou réélues comme titulaires les 10 et 17 juin 2007 et 10 comme suppléantes de députés ayant soit été nommés au gouvernement, soit décédés, soit en mission de plus de six mois. Deux autres sont entrées au palais Bourbon à la suite d'élections législatives partielles. Une députée a été nommée au gouvernement, une autre a démissionné après son élection au Sénat et une a rejoint l'Assemblée après avoir été remerciée du gouvernement.
Durant la XIVe législature, 155 femmes sont élues à l'Assemblée nationale : il y a donc environ plus d'un quart de femmes députées, soit 45 % de plus que lors de l'élection de 2007. Il y a 37 % de femmes députées au sein du groupe PS (104 sur 280), 14 % au sein du groupe UMP (27 sur 188) et 50 % au sein du groupe EELV (9 sur 18) : cela est aussi le reflet du nombre de candidates présentées, soit seulement 30 % pour l’UMP. À la suite de nominations gouvernementales, plusieurs suppléantes deviennent députées. À noter également que le groupe écologiste créé au début de la législature est dissout le 19 mai 2016 ; avec cinq autres députés, Véronique Massonneau rejoint alors le groupe socialiste ; les autres deviennent non-inscrits.
Au début de la XVe législature, 224 femmes siègent à l'Assemblée nationale, soit 39 % du total des députés.
Si avec 224 élues, la nouvelle assemblée est la plus paritaire de la Cinquième République, c'est une nouvelle fois un homme qui est élu président de l’Assemblée nationale, de même qu'à la présidence de tous les groupes parlementaires. La parité est respectée au bureau de l’Assemblée, mais les hommes sont surreprésentés aux postes les plus prestigieux (un président, deux questeurs hommes pour une femme) alors qu’il y a sept femmes secrétaires pour cinq hommes, la parité étant respectée pour les vice-présidences (3 pour chaque sexe).
Liste de vice-présidentes de l’Assemblée
Quatrième République
Cinquième République
Depuis le début de la Ve République, 25 femmes ont été vice-présidente de l’Assemblée nationale.
Liste de présidentes de commissions
La XIIIe législature compte une seule femme présidente d'une commission permanente. La XVe en compte quatre sur huit, soit la plus grande proportion jamais affichée dans l’histoire de l’Assemblée.
Liste de femmes questeuses
Liste de présidentes de groupes
Notes et références
Voir aussi
Bibliographie
- Michèle Cointet, Histoire des 16 : les premières femmes parlementaires en France, Paris, Fayard, , 216 p. (ISBN 978-2-213-70515-6)
- Magali Guaresi, Parler au féminin : Les professions de foi des député.e.s sous la Cinquième République (1958-2007), Paris, L'Harmattan, coll. « Humanités numériques », , 298 p. (lire en ligne)
Articles connexes
- Féminisme en France
- Assemblée nationale
- Droit de vote des femmes en France
- Ordonnance du 21 avril 1944
- Discrimination des femmes en France
- Femmes au Sénat en France