Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel
Le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, communément surnommé « prix Nobel d'économie », est une distinction qui récompense chaque année une ou plusieurs personnes pour leur contribution exceptionnelle dans le domaine des sciences économiques.
Créé et doté par la Banque de Suède en 1968, à l'occasion de son 300e anniversaire, le prix est décerné pour la première fois en 1969. C'est le seul prix géré par la fondation Nobel qui n'a pas été créé par le testament d'Alfred Nobel. Il suit néanmoins les mêmes règles que les prix Nobel, et est également remis par le roi de Suède le . Comme les prix de physique et de chimie, il est décerné par l'Académie royale des sciences de Suède.
La dotation monétaire du prix en 2018 s'élève à neuf millions de couronnes suédoises, soit environ neuf cent mille euros.
Origine
L'idée d'un nouveau « prix Nobel » vient de Per Åsbrink, gouverneur de la Banque de Suède, l'une des plus anciennes banques centrales du monde. Dans le cadre de la préparation du tricentenaire de la Banque, il crée une fondation pour la recherche, la fondation du jubilé de la Banque de Suède, et propose à son conseiller économique, Assar Lindbeck, ainsi qu'aux économistes Erik Lundberg (en) et Gunnar Myrdal, de réfléchir à l'élaboration d'un prix.
La Banque contacte ensuite la fondation Nobel, et l'Académie royale des sciences de Suède, qui était déjà responsable de l'attribution des prix de physique et chimie. Certains membres de l'Académie émettent des réserves quant à l'aspect suffisamment scientifique de l'économie, mais Lundberg et surtout Myrdal (qui sont également membres) finissent par convaincre l'Académie entière. Myrdal le regrettera par la suite et exprimera son souhait d'abolir le prix (après l'avoir reçu) en 1974. En , la banque centrale, la fondation Nobel et l'Académie tombent d'accord sur les règles d'attribution du prix, et le bureau de la Banque centrale décide alors de le fonder officiellement. Ces règles sont codifiées par le gouvernement suédois en [réf. nécessaire].
Le premier comité est composé de Bertil Ohlin (président du comité, Stockholm School of Economics), d’Erik Lundberg de la Stockholm School of Economics, d’Ingvar Svennilson de l’université de Stockholm, de Herman Wold de l’université d'Uppsala et de l’université de Göteborg, et d’Assar Lindbeck de l’université de Stockholm.
Depuis, le prix est couramment surnommé « prix Nobel d'économie » alors qu'Alfred Nobel disait n'avoir « aucune formation en économie et la [haïr] du fond du cœur ».
Attribution du prix
Choix des lauréats
Le processus de sélection du lauréat et le montant du prix attribué sont identiques à ceux des autres prix Nobel.
Chaque année, l'Académie royale des sciences de Suède invite des personnalités qualifiées à envoyer leurs nominations. Ces personnes comprennent les membres de l'Académie des sciences, les membres du comité de sélection du prix, les lauréats passés, les professeurs titulaires dans les sujets concernés, en Suède, ainsi qu'au Danemark, en Finlande, en Islande, et en Norvège, les professeurs titulaires de chaires correspondantes dans au moins six universités choisies chaque année par l'Académie ainsi que d'autres chercheurs invités par l'Académie.
Deux à trois cents nominations sont envoyées, qui correspondent à une centaine de candidats distincts. Les candidatures sont ensuite évaluées par un comité de cinq à huit membres (dont deux non-économistes), qui soumet son choix au département de sciences sociales de l'Académie pour approbation. L'Académie entière adopte la liste finale début octobre après avoir désigné les lauréats par un vote à la majorité, le résultat étant annoncé le jour même.
Comme pour les autres prix « Nobel », un maximum de trois personnes peuvent partager le prix, et elles doivent être vivantes au moment de l'annonce.
Dotation
La dotation monétaire du prix est la même que celle des prix Nobel. À l'inverse de ceux-ci, dont la dotation provient des rendements du capital laissé à cet effet par Alfred Nobel, la dotation du prix en sciences économiques est financée par la Banque centrale de Suède. Le montant de la dotation évolue régulièrement en fonction du rendement des placements, et s'élève à neuf millions de couronnes suédoises en 2018, soit environ neuf cent mille euros.
Un prix parfois contesté
Bien que ce prix soit la récompense la plus prestigieuse en économie, notamment par sa médiatisation, l'attribution de ce prix fait l'objet de certaines controverses, notamment quant à son appellation de "prix Nobel d'économie", ou quant à l'attribution d'un prix en économie par l’Académie royale des sciences de Suède, Alfred Nobel n'ayant jamais fait mention de son intention de récompenser l'économie.
Le choix des lauréats est lui aussi régulièrement critiqué pour avoir été décerné dans sa grande majorité à des économistes dits « orthodoxes » et américains (80 % des récipiendaires). De 1969 à 2016, sur 76 lauréats, 28 sont effectivement rattachés à l’école de Chicago, d'orientation néolibérale, soit 37 % du total. Friedrich Hayek, lauréat en 1974, a déclaré par ailleurs que si on lui avait demandé son avis sur le prix, il aurait « fermement déconseillé » la création de ce prix, « aucun homme ne devant être ainsi désigné comme une référence sur un sujet aussi complexe que l'économie ». De plus, depuis sa création, seules trois femmes ont reçu le prix, Elinor Ostrom en 2009, Esther Duflo en 2019 et Claudia Goldin en 2023. Il aura donc fallu attendre 2009, soit 40 ans d’existence du prix, pour qu’une femme en soit enfin lauréate.
L'académie royale des sciences a décidé en 1995 d'étendre le champ d'application du prix, d'une part en modifiant la composition du comité de sélection (deux non-économistes sur les cinq à huit membres), d'autre part en acceptant les candidatures relevant des sciences politiques, de la psychologie, ou de la sociologie, ayant un impact sur l'économie. Ainsi, parmi les lauréats récents, Daniel Kahneman et Robert J. Aumann ne sont pas économistes. Cela faisait suite aux critiques que même si, dans les premières années de son existence, le prix avait récompensé les théoriciens de premier plan des années 1970 et 1980, ce prix manquait peut-être de champ pour justifier la remise annuelle d'un prix supposé récompenser des avancées essentielles.
Pour Avner Offer (en) et Gabriel Söderberg, historiens de l'économie, Per Åsbrink aurait été soutenu par les milieux d'affaires et se serait opposé au gouvernement social-démocrate qui entendait utiliser le crédit pour favoriser l’emploi et le logement, et préconisait plutôt de s'orienter vers la lutte contre l'inflation. La création du prix lui aurait permis selon ces auteurs de susciter un intérêt médiatique et ainsi d’accroître son influence au détriment des idées sociales-démocrates.
Statistiques
En 2020, en comptant les prix décernés de 1969 à 2020, la répartition des prix à 86 personnes en fonction de la nationalité des lauréats au moment de la récompense met les États-Unis, avec 52 lauréats, en tête, avec 60 % des prix. Suivent le Royaume-Uni avec huit lauréats, la France avec quatre lauréats, la Norvège avec trois lauréats, la Suède, l’Inde et Israël avec deux récipiendaires, puis, avec chacun une récompense, le Canada, l’Allemagne, l’URSS, les Pays-Bas, la Finlande, Chypre et Sainte-Lucie.
Le nombre de récompenses, en 2020, s'élevait à 86 : 25 récompenses individuelles, 20 récompenses partagées entre deux lauréats et 7 récompenses partagées entre trois candidats, la dernière datant de 2020 (voir liste détaillée ci-dessous).
Les universités d'affiliation des chercheurs au moment de la récompense les plus distinguées sont par ordre d’importance : l’université de Chicago avec dix lauréats, l’université de Princeton, le Massachusetts Institute of Technology avec sept lauréats, l’université Harvard avec six lauréats, l’université de Californie à Berkeley, l’université de Cambridge, l’université Columbia avec chacune quatre lauréats, , l’université Stanford avec chacune trois lauréats, l’université d'Oslo, l’université Yale et l’université de New York avec deux lauréats. Puis ex æquo avec un lauréat l’université de Bonn, l’université Carnegie-Mellon de Norvège, l’École nationale supérieure des mines de Paris, l’université de Fribourg-en-Brisgau, l’université George Mason, l’Institut pour la gestion de l'économie nationale de Moscou, la Netherlands School of Economics, l’université d'Oxford, l’université de la Pennsylvanie, l’université de Stockholm, la Stockholm School of Business, l’université Washington à Saint-Louis, l’université de Californie à San Diego, la Carnegie Mellon, l’université de l'Arizona, l’université de Jérusalem, l’université du Maryland et l’université du Minnesota.
Elinor Ostrom est en 2009 la première femme à recevoir le « prix Nobel » d'économie.
Liste des lauréats
Années 1960
Années 1970
Années 1980
Années 1990
Années 2000
Années 2010
Années 2020
Notes et références
Notes
Références
Voir aussi
Bibliographie
- Jean-Édouard Colliard et Emmeline Travers, Les Prix Nobel d'économie, Paris, La Découverte, coll. « Repères » (no 532), , 128 p., 11 cm × 18 cm, couverture couleur, broché (ISBN 978-2-7071-5670-9, présentation en ligne).
- Frédéric Lebaron, « Le « Nobel » d'économie », Actes de la recherche en sciences sociales, 2002, n° 1, p. 62-65 [lire en ligne]
- (en) Sylvia Nasar, A Beautiful Mind [« Un bel esprit »], New York, Simon & Schuster, .
Articles connexes
Liens externes
- (en) Liste officielle des lauréats
- (en) Samuel Brittan, « The not so noble Nobel Prize » [« Un prix Nobel pas si noble que ça »] [archive du ], sur samuelbrittan.co.uk, Financial Times, .
- Gilles Dostaler, « Le « prix Nobel d'économie » : une habile mystification », Alternatives économiques, no 238, juillet-août 2005 (consulté le ), p. 88-91.
- Hazel Henderson, « Prix Nobel d'économie : l'imposture », Le Monde diplomatique, (consulté le ).
- (en) Sylvia Nasar « The Sometimes Dismal Nobel Prize in Economics », The New York Times,
- (en) Histoire du prix de la banque de Suède, controverses et statistiques
- Pourquoi le Nobel d’économie est-il controversé ? sur Balises, magazine de la Bibliothèque publique d'information.
- Le prix de la Banque de Suède en sciences économiques (2000-2023), textes de vulgarisation de l'Académie des sciences de Suède traduits en français.